Mon ami, le peintre poète Pierre Cazaux D’Artagnan, (http://www.cazauxdartagnan.com/) m’a fait découvrir le film « Fleur du Désert » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Fleur_du_d%C3%A9sert). Je connaissais l’excision, « de loin », je ne connaissais pas l’infibulation… du coup j’ai un peu enquêté :
Depuis la sortie du film en 2009, l’excision n’est plus un secret d’alcôve, un murmure étouffé sous le poids des traditions. Le monde a ouvert les yeux, et avec lui sont venues les lois, les cris, les campagnes internationales. Des voix se sont levées, des poings aussi. On a tissé l’espoir, coupé quelques fils, mais les ciseaux ne sont pas encore rouillés.
Les chiffres racontent une histoire en clair-obscur. Selon l’UNICEF, au Kenya et en Tanzanie, les femmes de 45 à 49 ans sont trois fois plus nombreuses à avoir subi l’excision que les filles de 15 à 19 ans. Une brèche dans le mur. Une preuve que la peur, parfois, décroît avant de mourir.
Mais l’ombre ne recule pas si facilement. En 2024, l’UNICEF estime que plus de 230 millions de filles et de femmes portent encore dans leur chair la marque d’un rite sans âge. 15 % de plus qu’en 2016. 230 millions de cicatrices, 230 millions de silences cousus.
Pourquoi cette augmentation ? Non pas un retour en arrière, mais une démographie galopante dans les terres où l’aiguille sévit encore. L’horreur progresse en nombre, même si elle recule en proportion.
On ne peut pas se contenter de victoires partielles. Chaque fil tranché, chaque peur brisée, chaque enfant sauvée est une fissure dans l’édifice des bourreaux. Il faudra bien plus qu’une loi, bien plus que des promesses : il faudra du temps, du bruit, et du sang séché qui ne sert plus d’encre aux traditions.
Il est donc crucial de poursuivre les efforts pour sensibiliser, éduquer et légiférer contre ces mutilations. Chaque voix compte dans ce combat pour la dignité et l’intégrité des femmes.
Lame sourde, chair scellée
On l’appelle tradition, mais c’est une sentence. Une main calleuse, un éclat d’acier, une fillette immobilisée. Pas d’anesthésie, juste des doigts qui pressent fort et une lame qui tranche plus fort encore. Le clitoris disparaît d’un geste. Parfois les petites lèvres. Parfois les grandes. Tout dépend du bourreau.
L’excision, c’est le vol du plaisir sous prétexte de pureté. L’infibulation, c’est pire. On coupe, on racle, puis on coud. Peau sur peau, fil de fer ou d’épines, laissant un orifice à peine suffisant pour l’urine et le sang des lunes. Puis on attend. Attendre quoi ? Que le mari vienne. Qu’il ouvre la plaie. Qu’il force l’entrée, parfois d’un coup de couteau.
Certaines meurent d’hémorragie avant même de comprendre. D’autres, plus tard, d’infections. Les survivantes marchent avec la douleur en héritage, le sexe devenu un rempart de chair morte, un territoire mutilé au nom d’une pudeur pervertie.
On ne leur vole pas seulement un organe. On leur vole le droit d’être entières.
Du coté des bourreaux ; l’ordre du fil et du fer
On ne mutile pas. On purifie. On coupe l’excès, on ferme la porte, on scelle la vertu. La femme est un jardin qu’il faut tailler, un fruit qu’on protège des souillures du désir. Si l’ouverture est un danger, alors on la referme.
L’enfant crie ? C’est qu’elle comprend. Elle sait, au fond, que c’est pour son bien. Que son corps n’est pas le sien. Qu’une femme qui ressent est une femme qui déshonore. Mieux vaut la souffrance d’un jour que la honte d’une vie. Mieux vaut un fil de fer qu’une réputation entachée.
Le mari doit être le premier à entrer. S’il doit forcer, qu’il force. S’il doit trancher, qu’il tranche. C’est à lui d’ouvrir ce qui a été clos. À lui de prendre ce qui lui appartient. Une épouse digne. Une épouse intacte. Une épouse sans souvenir de plaisir.
On fait ça depuis toujours. Ce qui a traversé les âges ne peut pas être un crime. Ce qui est écrit dans la peau ne peut pas être effacé.
La douleur ? C’est le prix de l’honneur.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Excision
https://fr.wikipedia.org/wiki/Infibulation
Pierre va faire une peinture, j’ai fait un poème :

Cousues de larmes
La main qui tranche, la chair qui pleure,
L’enfant s’efface dans la douleur.
L’aube était douce, la peau sans ombre,
Or, sous la lame, tout succombe.
Elles tombent une à une, fleurs d’un jardin,
Cousues de honte, marquées au fer fin.
Ventre scellé, hymen de fil,
Pour plaire à un homme, pour plaire à l’exil.
Elles avancent en cortège muet,
Mères brisées, fillettes enchaînées.
Le sang séché, mémoire gravée,
Une douleur que nul ne peut laver.
Vienne le vent, et la lame rouille,
Où le nœud cède, où la peur s’écroule.
Où l’on n’écrira plus, dans la peau des filles,
L’obsession morbide d’une vieille famille.