Genres littéraires : Réalisme social, Dystopie, Conte philosophique, Roman engagé, Fiction allégorique
Trois propositions aguicheuses pour donner envie de lire « Nous travaillons » :
#1 : Un cri silencieux contre l’exploitation, où chaque geste est une lutte pour un rêve volé.
#2 : « Nous travaillons » dévoile l’âme brisée de ceux que l’on oublie dans le grand rouleau de la machine sociale.
#3 : La dure réalité du travail à la chaîne, entre résignation et désespoir, capturée dans une vision poignante.
Résumé :
« Nous travaillons » explore l’exploitation silencieuse d’ouvriers prisonniers d’un système implacable, dévoilant la réalité d’une société parfaite mais injuste.
-Nous travaillons-
Ou
Les Petites Mains
Nous travaillons avec peine et sans relâche, jusqu’à l’épuisement. D’aucuns ne sauraient dire ici depuis combien de temps. Dès potron-minet jusqu’à la nuit tombée, nous travaillons.
En mouvements cadencés et robotisés, à l’unisson de tradition, nous fabriquons.
Des milliers de petites mains de pantins articulés vivants, bridés de tout désir ou d’ambition, se ressemblant et se rassemblant tous sans le moindre espoir de liberté ou d’expression.
Cela en a toujours été ainsi, depuis la nuit des temps, dès que nous avons l’âge de raison, sans réellement bien savoir pourquoi nous et pas vous, à foison, nous manufacturons.
Le grand chef dans sa haute tour d’argent attend. Il sait que l’image qu’il donne de lui, de nous, partout, est magnifique, belle, poétique. Mensongère.
Il exploite et paupérise, se gausse, jubile. C’est lui le plus riche en rétributions, en émotions, le plus aimé, le plus comblé. Il n’a que faire de nos plaintes, de nos identités. Tout tourne rond dans l’usine, mais celle-ci est carrée.
Depuis plus de trente-trois ans je me tiens là, avec nos pères et nos mères, nos frères et nos sœurs, nos fils et nos filles. Nous travaillons sans cesse, sans pause (éphémère), sans passion (illusoire), sans grande rémunération, sans réelle motivation si ce n’est la joie de gens que jamais nous ne croiserons.
Le travail à la chaîne pour des demandes toujours plus croissantes, affolantes, exubérantes. Nous devons nous plier aux règles dictées par notre société. Toujours produire sans la moindre contrariété. Pourtant nous n’avons jamais rien demandé. Nous sommes nés au mauvais endroit, n’avons pas eu la chance d’être à votre place. Nous devons subir votre farce.
Quand un parmi nous se rebelle, se rebiffe, ou sous les excès voit sa santé décliner, il est simplement remplacé, sans aucunes difficultés. Tout est maîtrisé et bien huilé dans cette triste réalité.
Sans dire mot il disparaît, devient fumée dans notre sinistre obscurité. On les appelle les oubliés.
Vous ne le découvrirez jamais, mais nous le savons et, en aucun cas, nous ne l’oublierons. Nous sommes des éléments jetables, chaînons d’une chaîne réparable. Tout va bien jusqu’à la dysfonction. Parfaite optimisation de statistiques, fabrications, risques et manutentions. Nous exécutons.
Ici-bas la joie n’existe pas, nous sommes tous las de créer, trier, donner vos objets sur le tas.
Automates mutiques et tristes mais fort utiles, nous ne devons surtout pas parler. Seulement produire davantage pour un rendement meilleur, il en va de notre sécurité sous peine d’être limogés vers encore plus de pauvreté et de noirceur.
Les visages fatigués et abattus sont figés à jamais, perdus dans l’immensité de l’hypocrisie de notre société.
Dehors rien ne nous attend hormis le froid de la dure réalité. Alors à quoi bon tenter ? L’espoir depuis longtemps a quitté ces lieux glacés.
Lorsque vous venez nous voir on joue la comédie, disciplinés et soumis. Nous ne sommes là que pour faire durer votre illusion, vous faire croire à votre parfait bonheur, pourtant croyez nous, ici on en meurt.
Le gros patron lui, est satisfait et serein. Il sait que notre dur labeur sera bientôt sous votre sapin.
Image générée par I.A