Genres littéraires : Drame psychologique, Roman introspectif, Tragédie, Réalisme existentiel, Fiction contemporaine
Trois propositions aguicheuses pour donner envie de lire « Liquide salé au Sahara » :
#1 : « Liquide salé au Sahara » explore l’obsession d’un amour perdu et l’incapacité de tourner la page.
#2 : Dans « Liquide salé au Sahara », un homme lutte contre un passé qui le hante, cherchant désespérément une échappatoire.
#3 : « Liquide salé au Sahara » : un voyage intense où amour et souffrance s’entrelacent, inexorables.
Résumé :
Dans « Liquide salé au Sahara », un homme prisonnier de ses pensées et de son amour perdu se débat dans un tourbillon de regrets, cherchant désespérément une échappatoire à son obsession dévorante, mais la réalité ne lui laisse aucun répit.
Liquide salé au Sahara
Si par un improbable miracle, une chance infime s’offrait à lui, que deviendrait-il face à la finalité de cette histoire ? Elle exerçait sur lui un pouvoir écrasant, un ascendant qu’il n’avait jamais su défier. Malgré l’usure irréversible de leur union, il continuait à l’aimer, une affection inaltérée, bien plus intense que celle qu’elle n’aurait jamais pu éprouver pour lui. Leur relation s’était dissoute depuis des années. Six années entières à penser à elle presque chaque jour. Ces pensées fluctuaient par instants, mais elle demeurait, inaltérable, dans un recoin de son esprit. D’innombrables années passées à côtoyer d’autres femmes, fades et sans saveur, toutes mesurées à l’aune de son amour désormais érodé, inégalable, figé dans un passé qui semblait s’éloigner, sans pourtant pouvoir le dépasser.
L’interrogation incessante hantait ses pensées : que pensait-elle de lui ? Où en était-elle dans sa vie, loin de lui ? Il n’avait jamais osé faire un pas, encore moins une approche. Trop de questions sans réponses, trop de zones d’ombre, trop de non-dits, d’hésitations, de maladresses. Comment pourrait-il aborder ce sujet avec elle, et à quel titre ? Se montrer vulnérable à quelqu’un qui détient une telle emprise sur lui serait-il juste ? Ce n’était pas une question d’égalité, mais d’ego, comme souvent dans ces histoires qui prennent racine dans l’orgueil et la peur. On dit que dans une relation amoureuse, il y a toujours un qui aime plus que l’autre. C’est là, peut-être, l’axiome fondamental de tout couple. Et cette vérité, il la ressentait de plein fouet, comme une vérité immuable, cruelle, qui le torturait à chaque instant.
Bien que, par définition, il faille un jour faire le premier pas, il se sentait prisonnier de ses propres hésitations. Le courage de s’avouer à elle, d’ouvrir son cœur pour la mille et une fois, se heurtait à un mur invisible de doutes. Mais la véritable question n’était pas dans la manière d’oser, ni dans le courage de se mettre à nu, de confesser ses sentiments. La véritable angoisse résidait dans cette idée insupportable de lui avouer l’ampleur du pouvoir qu’elle détenait sur lui, et de lui exposer à quel point l’existence sans elle était devenue insipide, morne, un fardeau pesant à porter chaque jour. Comment se livrer à quelqu’un qui pourrait tout détruire ? La question était là : comment gérer cette domination silencieuse qu’elle exerçait sur son âme ? Accepterait-elle de lui faire grâce, ou choisirait-elle de piétiner son affection ? Aurait-elle de la compassion, ou au contraire, ferait-elle preuve de mépris ?
Se retrouver à la merci de ce pouvoir est une épreuve. C’était un sacrifice, une offrande qu’il avait volontairement faite sur l’autel de l’amour, mais cet amour l’engloutissait à petit feu. La douleur qui émanait de cette relation inexistante, l’agonie de ne pouvoir se libérer de ce fardeau, l’épuisait chaque jour un peu plus. Et la question persistait : comment continuer à vivre ainsi, entre la quête d’un amour qui ne reviendrait jamais et la résignation de devoir faire face à l’absence ? Dans cet abîme de pensées, il s’éteignait lentement.
Il n’était guère dans une position favorable. Celle qu’il chérissait était la lueur qui éclairait son existence, transformant les autres en silhouettes futiles, insignifiantes, les reléguant à l’ombre de son adoration. Elle incarnait le rêve inaccessible de quiconque quête l’amour véritable. Bien entendu, il n’avait pas exploré l’ensemble des possibilités humaines en matière de rencontres, mais peu importait ; son âme sœur, celle qu’il pensait avoir trouvée, rendait toute recherche superflue. Ce renouveau, cette chance de régénérer sa vision de l’amour, ne s’était jamais présentée. Elle était là, omniprésente dans son esprit, seule dans son univers mental, depuis trop d’années. Il en avait bien conscience, l’idéalisation de l’objet de son amour enflait à chaque instant, mais il savait également que cette vision était teintée de fausseté. Ce n’était pas si simple. La communion entre deux êtres, une alchimie parfaite des corps et des esprits, est une rareté que peu d’hommes ont le privilège de connaître. Tel était leur cas, autrefois. Il parlait de lien profond, de l’entrelacement parfait des esprits. Lorsqu’on vous arrache cette moitié de vous-même, un abîme immense s’ouvre, un vide abyssal que rien d’éphémère ne saurait combler. Les ombres d’incertitudes s’étendaient sur leur tableau, certes, mais elles paraissaient dérisoires face à l’intensité du lien qu’ils avaient partagé.
Des souvenirs qui se superposaient comme des fragments d’une époque révolue, des images diffusées par son esprit épuisé, des odeurs persistantes, des mots échangés, des rires partagés ; chaque détail avait laissé une marque indélébile sur son cœur désillusionné. Et, au fond de lui, une seule pensée l’envahissait : détruire cette mémoire, l’anéantir, effacer ce fardeau.
Pourtant, il n’avait jamais voulu sombrer. Il aspirait à vivre, à exister sans ce poids qui écrasait chaque aspect de son quotidien. Solitaire dans ses affections et sa mélancolie, il n’osait se confier à quiconque, préférant la solitude ou la compagnie inadaptée, résigné, dans l’espoir de tourner la page. Le chemin pour y parvenir restait flou, incertain.
Ce soir-là, une jeune femme, saoule, l’abordait alors qu’il travaillait au bar, ses mots sans substance. Il se dit que cela suffirait, comme d’habitude, pour fuir ses pensées. Peu importait l’éphémère compagnie, elle ne comblerait pas le vide qu’il ressentait. Chaque nuit, son esprit, envahi par des signaux contradictoires, appelait son ex-fiancée, à travers des ondes invisibles, espérant capter l’attention de celle qu’il idéalisait. Ses neurones s’agitaient, envoyant des impulsions comme s’ils pouvaient la rejoindre, la faire revenir, comme un message perdu dans l’éther.
Il croyait naïvement que ses pensées, aussi fortes soient-elles, pourraient traverser la distance, qu’un simple signal bioélectrique pouvait résonner dans son esprit. Tout cela n’était qu’une illusion. Le dernier contact qu’il avait eu avec elle était un échec, une ratée tentative d’atteindre ce qu’il voulait désespérément. Pourtant, il n’arrivait pas à renoncer. Il continuait à l’appeler dans son esprit, à envoyer des pensées, comme un enfant espérant que ses appels invisibles seraient entendus. Mais elle, elle était ailleurs, dans un autre espace, loin de ses signaux. Il le savait, mais son esprit ne voulait pas l’accepter.
La réalité, pour lui, c’était un cerveau sans fin, une boucle de pensées incessantes. Fuir avec cette femme saoule, essayer de remplir ce vide, de se convaincre qu’une autre pourrait l’apaiser, mais tout revenait, inévitablement. La culpabilité de l’échec, la crainte d’un rejet total, le tourment de l’incertitude : tout cela l’envahissait. Alors il se mentait à lui-même, cherchant à oublier dans la superficialité, tout en espérant que, quelque part, elle reviendrait.
La fin de la nuit s’achevait, tout comme son service, et, au moins, il ne rentrerait pas seul. Sous le regard suggestif de la jeune femme, dont les propos étaient aussi profonds que l’écho d’un silence, il se rendit à la réserve, en revenant avec un seau débordant de glace fraîchement pilée et une bouteille de champagne. Lorsqu’un collègue, occupé à vérifier les caisses avant la fermeture, lui demanda la raison de sa démarche, il répondit sobrement qu’il rendrait le contenant le lendemain, tout en réglant la facture de ce précieux nectar effervescent.
En quittant son lieu de travail, bras dessus, bras dessous avec cette demoiselle dont l’apparente beauté n’était égalée que par la vacuité de sa conversation, il se laissa séduire et enivrer par ses propos vulgaires, la mélodie de la foule ivre et des habitués du comptoir résonnant dans les rues du quartier. Cependant, en dépit de ce moment, ses pensées restaient fixées sur sa véritable obsession : la femme qu’il avait perdue, celle qui, dans son esprit, demeurait l’unique et insubstituable. Combien il aurait souhaité que ce soit elle à son bras, et non cette créature de convenance. Se confortant dans la douce illusion d’un monde parallèle, il se disait que dans un autre univers, ils auraient été ensemble, heureux, et il n’aurait voulu rien d’autre. Celui-ci lui semblait bien plus digne d’être vécu.
Après une courte marche ponctuée de quelques mots feutrés, la clé tourna dans la serrure, déverrouillant le mécanisme tandis que, simultanément, la banalité éclatante de sa partenaire caressait ses sens d’un geste perfide. En lui, un mélange de ressentiments se mêlait à un étrange sentiment d’envie. Il le disait sans fard : il la jalousait, elle, l’incarnation de la simplicité, la douce insignifiance qui le faisait tant souffrir. On disait souvent que « les simples d’esprit sont les plus heureux » ; sans doute parce qu’un cerveau qui tourne lentement trouve plus de répit que celui qui fonctionne à pleine capacité. Ce n’était pas qu’il fonctionnait mieux, bien sûr, mais il ne cessait de ruminer, de tourner en rond, même dans ses rêves. La femme de sa vie, il la retrouvait toujours dans son esprit, récurrente et insaisissable, envahissant chaque pensée, chaque vision. Le travail, les sorties avec ses amis, les distractions futiles, tout cela n’était que le fruit d’une quête désespérée pour l’oublier, ne serait-ce qu’un instant. Car dans l’intimité de son esprit, seul, c’était un tourment constant, un vrai châtiment. Chaque interaction avec lui-même, chaque moment d’isolement, nourrissait cette obsession dévorante.
Pour l’heure, ses pensées étaient centrées sur la complicité sexuelle, encore que pour le moment, tout rester à prouver. Arrivés chez lui ils s’étaient sautés dessus. Usant de leur bouche, de leur langue, leurs doigts, fusionnant, s’oubliant, se faisant du bien mutuellement.
Là encore après l’acte, il se souvint du bonheur que c’était de jouir au même moment, au temps de l’amour de sa vie. La complicité sexuelle ultime. Il fallait qu’il arrête de penser à sa déesse pour tourner la page finale et démarrer un nouveau livre. Il ne savait comment faire jusqu’alors, mais la solution lui avait finalement été dévoilée. Quand la femme satisfaite lui demanda où il allait, l’homme répondit qu’il partait récupérer le champagne qu’ils avaient laissé à l’entrée, histoire de terminer leur nuit et de se finir en beauté. Récupérant le seau et son contenant, il se rendit au cabinet de toilette et se regarda dans le miroir. Là, il plongea sa main dans les glaçons et se saisit du pic à glace qu’il y avait dissimulé.
Il s’était longuement documenté. Prenant le marteau qu’il avait antérieurement posé sur l’évier en préparation de l’acte, il appuya la longue tige pointue sur la partie haute de son orbite oculaire droit et frappa plusieurs grands coups avec l’outil, atteignant la face orbitaire de son lobe frontal dans une douleur aiguë qu’il avait peine à contenir.
Il creusa, racla, encore et plus fort. Faisant des mouvements circulaires une fois les fibres nerveuses atteintes afin de les détruire.
En dépit des tremblements cela marchait. Ça allait mieux. À présent les deux nouveaux tourtereaux s’entendraient à merveille.